Prénom P. Nom
Seule dans le noir, je contemple le plafond décrépit de cette énième chambre d’hôtel minable. Rappelez moi pourquoi je me suis enfuie ? Ah oui, le lycée, mon père, ces choses un peu trop gonflantes et ennuyantes à mon goût. Et puis, ma mère, aussi. Il n'y a rien de drôle la-dedans. N'allez pas croire que je ne suis qu'une pauvre gamine fugueuse. « Putain, tête de fionl ! tu glandes quoi ? On doit se tailler d'ici MAINTENANT ! » Me visage se tourne vers le délicat visage de Reade. Ses paroles sont à son image, bien sûr, d'une finesse sans pareille, d'une grâce incroyable. J'en rêve la nuit. C'est ironique bien sûr. Reade est lourd et son humour est d'autant plus gras. Digne d'un hamburger dans le pire fast food du fin fond du texas. La seule chose qu'il a pour lui, c'est son physique de maître nageur parfait. Et l'argent qu'il a piqué à la banque de ses parents avant de partir sur la route avec moi. Il n'est donc pas si inutile qu'il en a l'air. Mais quand il se met à me surnommer "tête de fion" bizarrement, je rigole moins. Et là, je rigole encore moins quand je vois qu'il n'a même pas un paquet de Winston dépassant de ses poches. Il y a du laissé allez. « Bon, tu te bouges ou tu plante de la marijuana ? » Je lève les yeux au ciel. La mauvaise humeur de mon ami est parfois exaspérante et c'est les pieds pesant que je me traîne jusqu'à sa voiture. Superbe cadillac bleu ciel, mon dieu, le rêve ! Je veux la conduire, mon coeur s'emballe. « Steuplé, steuplé, steuplé, Red, laisse moi la mener, la conduire, la faire rouler, steuplé, steuplé, steuplé ! » J'ai les yeux larmoyant, le regard du chat poté, je le supplie mais lui, il s'en fou complètement. « Bouge ton cul, on se taille et plus vite que ça ! » Mes rêves sont réduit à néant tandis que je monte sur le siège passager. Je ne peut pas protester, quand c'est non, avec Reade, c'est non. J'obtempère et le laisse me mener où bon lui semble. J'ai beau le haïr, l'engueuler, râle et tout ce que vous voulez, j'adore Reade. Il pourrait m'emmener au bout du monde que ça ne me poserait pas de problème. J'ai confiance en lui. Tant qu'il est là, flic à nos trousses ou pas, je serais à l’abri.


Je ne me souviens même plus comment on en est arrivé là. Lui qui part, loin, très loin, le plus loin possible de moi. Et moi qui reste comme une con, au bord de la route, une valise ouverte à mes pieds. Je repasse dans ma tête les deux dernières années. Deux années avec lui. Je me souviens encore de tout ce qu'on a fait. De toutes les portes auxquelles on est allé toquer dès qu'on est arrivé en Irlande. Je rêvais de la revoir mais nous n'y étions pas parvenu. J'avais si peu d'informations, si peu d’éléments, c'était perdu d'avance. Mais lui y avait cru, jusqu'au bout. Jusqu'à cette nuit. Cette fameuse nuit. Cette fameuse nuit où les mots avaient violé ma pensée. Je ne sais même pas ce qu'il s'est passé dans ma tête. La sentence a été immédiate. A peine sortie du bar, au beau milieu d'une rue de Glasgow, voilà Reade qui me cri dessus. «Putain ! Mais d'où tu te permet de dire qu'on a couché ensemble ? Je t'aime pas pauv' conne ! Toi et tes mensonge ! Ton père t'a jamais battu ! Quand à la moto, rêve pas, tu serais déjà morte si t'avais posé ton cul dessus. Et ta mère ? Tss, tu l'a retrouvera pas ! J'en ai marre de toi ! Marre de ton humeur, marre de tes caprices et de ta quêtes débile ! Et moi ? ET MOI ? » Je le regarde le visage blême. Je ne m'attends pas à ça. Je ne m'attends pas à ces révélations. Il avait passé deux ans en sachant pertinemment que je lui avais mentis sur mon père. Mais pouvait-il comprendre que c'était la seule façon que j'avais trouvé d'expliquer aux yeux de tous ma fuite ? On a parcourus le monde pour venir ici. J'ai le cœur qui saigne. Je sais exactement pourquoi. C'est simple. Je l'aime. Mais il part. Il est déjà à balancer ma valise hors de la voiture. Pas un au revoir. Seulement un dos qui disparait dans le véhicule. Seulement une plaque d'immatriculation qui disparait dans la nuit. Dernière odeur du pot d'échappement. Je suis seule. Pour le première fois de ma vie, je suis seule.